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Maisonneuve, c’est pas Brébeuf !

Répression, injonction, grève, blocage et invasion de chantier au collège de Maisonneuve

Cet article a été rédigé grâce au mélange d’informations publiques et d’un témoignage d’une personne anonyme, présente sur place à plusieurs moments au courant de la semaine. 

Contexte

Récemment, l’administration de Maisonneuve a été presque entièrement renouvelée. Pendant environ une décennie, les mêmes directeur·rices tenaient la barre de l’institution avec une politique d’apaisement social; mélangeant répression spécifiée, campagnes de peur et apparence de bienveillance envers le corps étudiant et ses forces organisées. Loin d’avoir été une alliée de l’association étudiante et des militant·es, cette direction avait au moins la prétention de respecter les règles du jeu et de tendre la main à des négociations. Conscient·es du climat social tendu et particulier du cégep, iels avaient l’intelligence de ne pas mettre le feu aux poudres.

Depuis un peu plus d’un an, une nouvelle direction a pris le contrôle après qu’un front syndical unifié ai poussé la précédente à la porte en réponse à leurs mauvaises pratiques de gestion. Cette nouvelle mouture contient notamment des anciens du cégep privé bourgeois de Brébeuf (David Pilon et Brigitte Gauthier-Perron). Ces gestionnaires d’institution privée ont emmené avec elleux une approche néolibérale de gestion du collège, refusant de reconnaître la légitimité de l’association étudiante et tout dialogue social. Iels misent sur la répression et un refus dément de reconnaître la place historique des forces étudiantes dans le corps social du collège. On notera que le syndicalisme étudiant de Maisonneuve a historiquement été un des plus forts de la province. 


Cette caste de gestionnaires déconnectés a mené, comme ailleurs, une campagne de terreur contre les militant·es impliqué·es dans le mouvement de grèves étudiantes en solidarité avec la Palestine. Celle-ci incluait des sanctions face à des organisateur·rices de la grève contre l’OTAN ayant eu lieu en novembre 2024 et, plus récemment, des actions contre les reprises de jours de grève, visant à punir le corps étudiant d’avoir choisi de se mobiliser1. Cette tactique n’est pas nouvelle, l’ancienne administration l’avait aussi utilisée pendant les grèves du mouvement pour la rémunération des stages (2018-2019). La spécificité de l’actuel contexte est que la SOGÉÉCOM a mené avec brio une campagne de collaboration avec le corps enseignant pour s’assurer qu’aucune évaluation finale ou cours obligatoire ne se tiennent durant ces journées de reprise. L’administration, probablement heurtée dans son ego de gestionnaire, a menacé de sanction les professeur·es de biologie pour qu’iels maintiennent un examen touchant 300 étudiant·es. 

La SOGÉÉCOM n’a eu d’autre choix que d’enclencher son mandat de grève des reprises, menant à la situation à laquelle nous avons assisté dans les derniers jours.

La semaine de grève 


La SOGÉÉCOM a annoncé à l’avance qu’elle serait en grève les 26, 27 et 28 mai, soit les dates prévues des reprises de cours. Cette grève a quelque chose de ridicule : la fin normale des cours signifiait que pratiquement aucun·ne étudiant·es n’allait se présenter de toute façon, et une curieuse gestion des travaux de la nouvelle aile du collège (l’aile F) a mené à ce que l’électricité soit coupée dans l’entièreté du cégep excepté l’aile C, connectée à une géante génératrice adjacente au chantier. Les étudiant·es mobilisé·es et leurs allié·es ont tout de même fait acte de détermination et se sont présenté·es tous les jours pour appliquer le mandat de grève et demander à l’administration de s’asseoir à la table des négociations. Le ton a monté graduellement au courant des journées et des barricades sont apparues devant les portes du collège dès le deuxième jour.

Malgré ses promesses à l’association, la direction a refusé d’ouvrir la porte à des discussions et elle a clairement choisi d’entamer une guerre d’attrition en prévoyant de reprendre les reprises indéfiniment (la limite possible de la session selon la convention collective des enseignants étant le 4 juin). Le troisième jour, suivant une levée des cours déclarée sans aucune présence de membres de l’administration (caché·es dans le collège derrière une armée d’agents de sécurité), un groupe de militant·es autonomes s’est engagé dans une escalade des moyens de pression, menant une série d’actions cherchant à forcer la direction au dialogue.

Le groupe d’autonomes a fait irruption dans le chantier de l’aile F, défilant dans les différents étages du bâtiment en construction, se rendant jusqu’à la porte connectant la passerelle de la nouvelle aile vers le collège. De notre compréhension, seul un garde empêchait le passage des militant·es. Notons d’ailleurs que ces militant·es ont fait acte de bonne foi en se préservant d’utiliser la force pour passer dans le collège. Après avoir quitté le chantier en laissant des fumigènes sur leur passage, les militant·es ont rejoint le reste des étudiant·es, avant de se déplacer pour bloquer l’approvisionnement en mazout de la génératrice, tenant le fort jusqu’au départ du camion. Le blocage ne fut levé qu’à midi ce jour-là, après avoir perturbé les activités du chantier pour l’avant-midi. 

Les directeur·rices n’ont peut-être pas compris que Maisonneuve, avec son historique d’occupation, de blocage, de syndicalisme de combat, avec son asso d’où partaient à une époque des militants skins pour chasser les boneheads d’Hochelaga et qui a fait partie de tous les mauvais coups du mouvement étudiant, ne fonctionne pas comme le collège de petit·es-riches qu’est Brébeuf. L’arrogance et le mépris des administrateur·rices pour sa population sont les seules causes de l’escalade en cours et de toutes celles à venir.

L’injonction


Le mercredi, l’administration a rétroactivement décrété que son refus de négocier venait de la présence de personnes masquées sur le chantier (alors qu’en fait, cette action était venue en conséquence de l’attitude de l’administration). Puis, en après-midi, fidèles à leur attitude générale de gestionnaire bourgeois, les membres de l’administration ont déposé une demande d’injonction contre la SOGÉÉCOM niant la validité de la grève et y référant comme à un acte de boycott. Il s’agit d’une attaque pure et dure contre le concept de la grève étudiante et contre la légitimité de la démocratie étudiante. La loi est une arme adorée de ce genre d’administration, les multiples injonctions de McGill contre le campement l’été dernier en sont de bons exemples qui misent sur l’état et la répression plutôt que sur le dialogue social pour régler les « crises » politiques. Une lettre envoyée à tous les étudiant·es du collège de Maisonneuve explique leur logique dans cette question; ramenant de l’avant un argumentaire mensonger indiquant que la loi force le cégep à maintenir un certain nombre d’heures de cours. Cet argument n’explique en rien d’avoir menacé de sanction les professeur·es de biologie pour qu’iels maintiennent un examen et est tout simplement faux. Par le passé, plusieurs grèves ont été menées sans que des reprises soient planifiées. Les administrations ont un grand degré de liberté sur la question et cet argument sert juste à les en dédouaner.


Le jeudi 29 mai, les lignes de piquetage ont quand même mené à la levée des cours, alors que l’audience pour l’injonction prenait place en après-midi. Plus tard, en journée, un juge a honteusement donné raison au cégep et a accordé une injonction interdisant à l’association de tenir ses lignes de piquetage le lendemain. Cette décision honteuse crée un précédent inquiétant, qui devrait alarmer l’ensemble du mouvement étudiant et toutes celleux qui en sont solidaires.

Cependant, l’injonction n’a pas empêché des militant·es autonomes de se présenter pour bloquer le cégep le lendemain (vendredi 30 mai). Une minorité masquée a érigé des barricades et bloqué les accès pendant que d’autres militant·es se tenaient hors du terrain du cégep en soutien. Ce n’est pas la première fois que des injonctions sont levées contre des étudiant·es en grève, ni la première fois qu’elles sont ignorées. La légitimité de la démocratie étudiante ne vient pas d’une reconnaissance légale, mais de la réelle application de la volonté collective du corps étudiant telle qu’exprimée en assemblée générale. 

Maintenant que la première semaine de grève est terminée, on peut prendre du recul et voir comment l’administration a, par son arrogance, transformé un non-enjeu en une crise politique. Cela est autant alarmant que ridicule. Il ne reste désormais que trois jours à l’administration pour tenir son examen. Reste à savoir si cet examen aura lieu, et si oui, dans quelles conditions  !

Nous restons à l’affût de la suite des choses,
Solidarité avec les étudiant·es en grève  ! ​

[1] Les étudiant-es du cégep ayant déclenché une grève pour la Palestine (les 26, 27 et 28 mars seul avec l’université de Rimouski. ​

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