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MOBILISATIONS ÉTUDIANTES : MAISONNEUVE SUSPEND DES MILITANT·ES !

Par Kleya

Depuis plusieurs semaines, voire sessions, les signaux d’une dérive autoritaire grave se multiplient au Collège de Maisonneuve. Suspension des délégué·es de l’association étudiante, identification quasi systématique des personnes impliquées dans la mobilisation, emploi de tactiques d’intimidation et de harcèlement par la sécurité, processus disciplinaire opaque ou ingérence de la direction dans les assemblées générales de la SOGÉÉCOM. Ces gestes forment un ensemble cohérent. Ils témoignent d’une tentative claire de museler la vie politique étudiante et de transformer le Collège en un espace où la mobilisation politique et la contestation sont non seulement découragées, mais activement punies.

En cette fin de session, deux militant·es étudiant·es sont suspendu·es 7 et 14 jours respectivement, pour avoir appliqué des mandats de grève. Lors de leur rencontre individuelle, les deux étudiant·es se sont retrouvé·es face à une direction qui n’a daigné expliquer le processus enclenché, ni faire preuve de transparence quant aux conséquences possibles ou même nommer les droits et recours offerts aux personnes étudiantes. Comme l’association étudiante le dit dans son communiqué, « rien, dans la forme ou le déroulement, ne laissait croire qu’une issue juste ou équilibrée était envisageable ».

À cet effet, l’association étudiante sonne l’alarme : l’administration du Collège de Maisonneuve témoigne d’une attitude profondément antisyndicale et aux abords autoritaires. Malgré que la répression politique et l’intimidation antisyndicale orchestrée par la direction ne datent pas d’hier, son escalade actuelle marque un tournant préoccupant.

En effet, l’administration du Collège s’acharne sur des délégué·es étudiant·es et maintient toutes les avenues de négociation fermées. Ceci s’est illustré de manière éclatante lors de la grève des reprises à l’hiver 2025 où, au lieu de rencontrer l’association étudiante afin de trouver un terrain d’entente, le Collège a préféré saisir les tribunaux et demander une injonction.

De surcroît, à la session d’hiver 2025, l’administration du Collège a suspendu une étudiante, non seulement de ses études, mais aussi de ses fonctions au sein du conseil d’administration. Il s’agissait de la représentante des DEC techniques, également déléguée dûment élue de la SOGÉÉCOM. Elle a été sanctionnée pour avoir participé à des lignes de piquetage dans le cadre d’une grève issue d’un mandat adopté démocratiquement en assemblée générale étudiante à l’automne 2024. Ces décisions de gouvernance confirment que, pour cette administration, la contestation n’est pas un interlocuteur politique, mais bien une nuisance à écraser.

C’est bien là l’horrible réalité avec laquelle toute la communauté du Collège de Maisonneuve compose depuis près d’un an et demi. Avec l’arrivée des nouvelles directions, David Pilon, directeur général et Brigitte Gauthier Perron, directrice des études, le Collège de Maisonneuve témoigne d’un mépris flagrant et grandissant envers les différents groupes syndicaux, notamment envers le syndicat étudiant, et le syndicat des enseignant·e·s, le SPPCM. Que ce soit par l’intimidation dans les couloirs des délégué·es étudiant·es par la sécurité, la suspension arbitraire par le biais de processus flous et sans appel ou par la convocation en comité de discipline d’enseignant·es qui exerçaient leur rôle d’officier·es syndicaux·ales, il est simple de dégager une tactique claire employée par la direction : celle de répression et d’intimidation antisyndicale.

Cette répression est un choix délibéré : c’est une stratégie visant à instaurer la peur, à punir la participation politique plutôt que de l’encourager, à répondre à la mobilisation par des suspensions, des menaces et du harcèlement afin d’empêcher les luttes étudiantes et les discours d’opposition.

En réponse aux suspensions, l’association étudiante s’est organisée de manière collective et soutenue. Depuis les deux dernières semaines, dur est d’ignorer la contestation au sein de l’établissement : deux manifestations ont eu lieu à l’intérieur du Collège, une campagne de collants « Lever les sanctions » a également été menée, avec des affichages massifs dans plusieurs espaces, de concert avec la confection de bannières ainsi que de macarons et de tracts dénonçant la répression. Une pétition exigeant la fin des sanctions circule toujours, témoignant d’un appui qui continue de s’élargir. Cette mobilisation a aussi trouvé des échos au sein du personnel. Le syndicat des professeures et professeurs a sorti une affiche arborant un titre clair : « Le SPPCM fait front face à l’intimidation antisyndicale ».

Cette escalade de la mobilisation a mené à la levée d’une séance du conseil d’administration, interrompue en raison des perturbations étudiantes. En guise de réponse, si ce n’est qu’une augmentation de la présence d’agents de sécurité autour des locaux de l’association étudiante, l’administration n’a apporté aucun retour face à cette mobilisation, un choix confirmant encore une fois que la direction du Collège de Maisonneuve préfère choisir le silence ou les communications unilatérales plutôt que le dialogue.

La situation observée au Collège de Maisonneuve ne peut être comprise isolément. Elle s’inscrit dans une conjoncture plus large où, au sois-disant  Québec comme ailleurs, les mouvements sociaux et syndicaux font face à un durcissement des politiques d’austérité, à la normalisation de la surveillance et à une criminalisation croissante de la contestation. Dans ce contexte, l’administration du Collège agit à l’image de d’autres institutions en privilégiant l’intimidation et le contrôle pour contenir la mobilisation, plutôt que de répondre aux revendications par le dialogue et la négociation.

La répression politique poursuit un double objectif : Exercer une coercition immédiate et renforcer les rapports de domination existants1. Les suspensions disciplinaires, utilisées comme outils punitifs et préventifs, empêchent concrètement de militer et d’occuper les espaces d’organisation collective, tout en isolant et en invisibilisant les personnes ciblées en raison de leur rôle politique et militant. Il est sans équivoque correct d’affirmer que, le Collège par le ciblage d’étudiant·es et d’officier·ères syndicaux·ales politiquement impliqué·es et qui dérangent, tentent d’établir un ordre, celui du conformiste et de l’autocensure visant à neutraliser la contestation dans toutes ses formes. Dans leur quête du pouvoir et du contrôle qui leur est accessible, peut-être la direction du Collège de Maisonneuve s’est-elle perdue de manière à en oublier la mission éducative d’un Collège, celle d’un lieu d’émancipation et de débat démocratique et non d’un instrument de répression.

Somme toute, il devient impératif de ne pas céder à l’isolement, au silence et à la peur. Pour contrer la répression, on suppose d’abord qu’on doit clairement la dénoncer, en nommant ses mécanismes et ses finalités politiques. Cela exige également de soutenir collectivement les personnes ciblées, afin de briser les stratégies d’intimidation et d’individualisation. Mais il est plus que tout essentiel de nommer que ces actes, punis et sanctionnés, s’inscrivent dans des luttes politiques et collectives.  Une chose demeure, les luttes étudiantes, syndicales et sociales, ne sont ni des fautes ni des comportements à proscrire, mais bien des composantes fondamentales de toute démocratie vivante.

[1] Codaccioni, V.  (2019). Introduction : Répression politique et double criminalisation des militantismes. Répression : L’État face aux contestations politiques (p. 7-11). Éditions Textuel.

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