Fierté Montréal ne nous représente pas
Tour d’horizon de l’opposition à Fierté Montréal
Montréal, juillet 2025 – Encore une fois, la saison des marches approche, et avec elle, son lot de contradictions. À l’heure où les drapeaux arc-en-ciel flottent fièrement sur les vitrines des grandes chaînes, la colère monte dans nos milieux. Ce que Fierté Montréal prétend célébrer — nos vies, nos amours, nos luttes — est vidé de tout sens dans une mise en scène corporatiste où la police parade, où des commanditaires liés à des industries mortifères s’achètent une image progressiste, et où les voix les plus marginalisées sont systématiquement évacuées.
Mais cette année encore, des forces s’organisent. Nos communautés résistent. Nos fiertés s’indisciplinent
Fierté Indomptable / Wild Pride : une alternative communautaire
Née d’une critique forte de Fierté Montréal, la Fierté Indomptable, mieux connue sous le nom de Wild Pride, se veut une réponse communautaire et sociale à la fierté mainstream. Ce festival prendra place du 30 juillet au 18 août et comprendra notamment une marche le 10 août en parallèle de la marche traditionnelle de la Fierté.
Son objectif est de créer une pride dédiée « aux personnes queer, trans, racisées, musulmanes, juives, autochtones, handicapées, neurodivergentes, sans domicile fixe, sans papiers, et à beaucoup d’autres »1. Le collectif organisateur rejette les commandites commerciales et mise plutôt sur l’autogestion, l’accès libre, et des activités centrées sur les communautés marginalisées. Wild Pride se positionne dans la continuité des prises de positions de groupes militants et communautaires comme Helem Montréal et Voix Juive Indépendante qui avaient dénoncé la complicité de Fierté Montréal dans le Pinkwashing du génocide en Palestine et son traitement des communautés marginalisé. Le collectif organisateur de la Wild Pride affirme d’ailleurs clairement sa position anti-sioniste et en opposition au Pinkwashing2.
Sans subventions gouvernementales ni partenaires commerciaux, la programmation de la Wild Pride s’étend sur près de trois semaines. Elle inclut : spectacles, party, journées de soins collectifs, évènement antiracistes, activités intergénérationnelles et plus — le tout organisé par et pour les communautés concernées.
Un retour en force pour une troisième édition de la Rad Pride
Parallèlement aux événements officiels de Fierté Montréal, une autre initiative gagne du terrain : la Rad Pride, organisée par plusieurs groupes et militants, dont le P!nk Bloc MTL, le FLIP, le TRAPS, la FAGS et OPEN Maisonneuve, revient pour une troisième année consécutive.
En juin dernier, les organisateur·rices ont lancé un appel public à une troisième édition de la Rad Pride, prévue pour le 9 août 2025 à 21h30, au Square Émilie-Gamelin. L’événement, qui se décrit comme une manifestation festive et politique, se positionne clairement en rupture avec les festivités institutionnelles.
Depuis 2023, la Rad Pride prend la rue à la veille du défilé officiel pour offrir une alternative politique radicale à la Fierté institutionnelle. L’année dernière, cette manif a été brutalement réprimée par le SPVM.Matraques, arrestations et provocations ciblées n’ont pourtant pas empêché les manifestant·es de prendre le village pendant des heures. La manifestation s’est terminée en grand dance party de rue alors que la police abandonnait le village.
Dans l’appel publié sur le site pink-bloc.info, les organisateur·rices revendiquent « une nuit où l’autonomie est réelle, où la joie devient une arme, où la fierté — la vraie — est dangereuse » — un espace de contestation queer, explicitement anticapitaliste, anticolonialiste et farouchement opposé à toute forme de partenariat avec les forces de l’ordre ou les grandes entreprises.
Le texte a rapidement reçu un soutien important : plus d’une trentaine de collectifs communautaires, étudiants et militants, incluant Mubaadarat, Alternative Queer UdeM, Euphorie dans le Genre, la Coalition Defund la Police, le collectif Désinvestir pour la Palestine ou encore Front Rose (le média où vous lisez cet article), ont officiellement endossé l’appel. Cette large adhésion démontre un rassemblement politique croissant autour de la Rad Pride, porté par des préoccupations partagées : anti-capitalisme, opposition au pinkwashing et solidarité avec la Palestine, lutte contre la violence policière, antifascisme, mobilisation contre la montée de la transphobie et critique de la marchandisation de la fierté.
À mesure que les critiques envers Fierté Montréal s’intensifient, la Rad Pride s’impose comme un point de convergence pour les franges les plus radicales et militantes du milieu queer montréalais. Elle revendique une fierté profondément ancrée dans la contestation sociale et le désir d’un monde meilleur.
Bris avec le communautaire
Comme nous le mentionnions en mars dernier, une coalition d’organisme jeunesse LGBTQ+ avait coupé les ponts avec le festival tandis qu’une variété d’autres organismes le dénonçait. Cette tendance du communautaire à rompre avec Fierté Montréal n’a fait que grandir, les organismes communautaires étant désormais nombreux à participer à la Wild Prideoù à avoir signé l’appel de la Rad Pride.
Est-ce qu’un festival LGBTQ+ comme Fierté Montréal peut vraiment maintenir une quelconque légitimité si les groupes communautaires l’abandonnent massivement ? Sur quelles bases Fierté pourra-t-elle s’appuyer pour prétendre représenter la communauté si la tendance se maintient ?
Fierté Inc. répond avec mépris à l’opposition
Face aux critiques croissantes, Fierté Montréal multiplie les efforts de relations publiques. Le directeur général, Simon Gamache, a publié une lettre ouverte dans le média Fugues où il nomme les critiques du festival sans leur accorder de réelles écoutes, refusant d’adresser sérieusement les critiques qui lui sont adressées. Notamment, la lettre ne mentionne pas la collaboration entre Fierté et le SPVM pour mener une opération de brutalisation de militant·es queers l’année dernière, lorsque ces dernier·ères bloquaient la marche pour dénoncer la complicité sioniste. Au passage, il sous-entend que ces critiques n’auraient aucune source. Pire, le directeur général du festival indique que « Le SPVM est un important allié opérationnel et stratégique de Fierté Montréal. Nous apprenons l’un de l’autre, sans oublier les erreurs du passé, afin d’améliorer le soutien aux communautés de la diversité sexuelle et de genre »3.
Dans une enquête publiée par Pivot, plusieurs ancien·nes collaborateur·ices de Fierté affirment avoir été instrumentalisé·es comme vitrines de diversité, tout en étant écarté·es des décisions, mal payé·es, ou réprimé·es lorsqu’ils ou elles dénonçaient les dérives internes. Face à ces accusations, Simon Gamache parle de « désinformations ».
Un début août qui s’annonce chargé
Entre la Wild Pride, la Rad Pride, et les autres initiatives spontanées qui surgiront potentiellement contre Fierté Montréal, le mois d’août s’annonce chargé en activités politiques, en conflictualité et en mobilisation pour les communautés queers. Cette montée en intensité est d’autant plus cruciale dans un contexte dans lequel le gouvernement déploie une vague de projets de lois nauséabonds (notamment le projet C-2 et le PL97), qui font face à des mobilisations croissantes. Espérons que cette énergie se maintiendra au-delà d’août pour une nouvelle année chaude de lutte !