Trump envoie l’armée à L.A.
Opération massive de ICE, résistance et déploiement de la garde nationale
Par Louve Rose
Depuis plusieurs mois, les opérations de l’agence fédérale de contrôle de l’immigration américaine (ICE) prennent une ampleur démesurée. En plus de leur nombre, de leur violence et de l’absence totale de respect des droits durant ces opérations, leur caractère de plus en plus militarisé fait beaucoup réagir. En réponse à cette intensification, des mobilisations populaires ont bloqué des raids de ICE dans différentes villes, notamment à Minneapolis. Mais c’est à LA qu’on a vu la riposte la plus intense avec une large mobilisation vendredi dernier, le 6 juin 2025. Les manifestant·es ont fait battre en retraite les corps policiers à plusieurs reprises grâce à l’intensité de leur offensive et à leur nombre.
Face à la situation et en contournant la volonté de Gavin Newsom, gouverneur de la Californie, et de Karen Bass, la mairesse de Los Angeles, Trump a décidé, le samedi 7 juin, d’exiger le déploiement de 2000 soldats de la garde nationale contre les manifestant·es. Une décision lourde de sens témoignant de la peur du gouvernement, qui craint de perdre la face et le contrôle si ses opérations de déportement continuent d’être bloquées avec autant de courage par la population.
Loin d’être nouveaux, ces raids font partie du fonctionnement de l’agence et planent toujours comme une menace au-dessus de la tête des immigré·es américain·es. Récemment, sous la pression du gouvernement Trump (pour qui ICE a toujours été l’agence la plus loyale), ces raids se sont multipliés et ont commencé à violer des droits fondamentaux américains aux yeux de toustes, et ce tout en prenant de plus en plus des allures d’opérations militaires. Ceci n’a rien de surprenant lorsqu’on sait que Trump utilise aussi cette agence comme police politique pour s’en prendre aux militant·es qui s’opposent au gouvernement (pensons notamment à l’arrestation de Mahmoud Khalil). Symptomatiques de la dérive fasciste américaine (et mondiale), les opérations de ICE dans des quartiers historiquement racisés de certaines villes ont des allures nauséabondes de rafle. À plusieurs reprises, des personnes visées ont aussi été arrêtées dans des palais de justice ou d’autres lieux où l’agence n’avait pas le droit d’opérer. Parfois, les arrestations ont eu lieu alors même que des juges avaient auparavant rejeté les efforts de déportations des personnes visées.
L’agence a largement réussi à maintenir ses opérations face à l’opposition purement symbolique des démocrates et des supposés garde-fous de la démocratie. La Californie est depuis 2017 un « état sanctuaire », c’est-à-dire un état qui refuse de déporter les migrant·es sans-papier et de collaborer avec ICE. Visiblement, cette dernière, avec l’appui du gouvernement fédéral, a démontré qu’elle n’avait pas besoin de prêter attention aux décisions des états dans leur démarche.
Pendant un temps, il a donc semblé que rien n’arrêterait la vague d’opération et de déportation portée par le gouvernement américain. Pourtant, en ce moment, les mobilisations menacent d’escalader en une insurrection, et le mouvement populaire paraît déterminé à empêcher l’enlèvement de centaines de personnes ciblées en raison de leurs origines.
Les manifestations à Los Angeles ont pris une tournure impressionnante le 8 juin. Certaines sources indépendantes estiment que ce sont jusqu’à 10 000 personnes qui sont descendues dans les rues de la ville californienne. Des vidéos circulant en ligne montrent des voitures incendiées, des affrontements avec la police et le blocage d’une autoroute de la ville. Ces images ressemblent de plus en plus à celles qui avaient émergé de Minneapolis dans les premiers jours du soulèvement de 2020. Loin d’avoir calmé le jeu, l’escalade militaire venant de la Maison-Blanche a donc mis le feu aux poudres. On peut s’attendre à ce que ces mobilisations se répandent dans d’autres villes ciblées par les opérations de l’agence. Reste à voir si le mouvement de contestation se maintiendra dans le temps et exercera une pression suffisante pour forcer l’agence du contrôle de l’immigration à mettre fin à sa vague actuelle de rafles contre la population.
Pas qu’un enjeu américain
S’il venait à passer, le nouveau projet de loi de Carney, intitulé « The Strong Borders Act », nous rapprocherait dangereusement de la situation américaine. Ce projet de loi retirerait plusieurs droits aux personnes immigrantes et offrirait plus de pouvoir répressif aux agences fédérales dans leur traitement des personnes issues de l’immigration. Une telle approche de l’immigration ne peut mener à autre chose qu’à une dérive fascisante et à un renforcement de l’état policier au soi-disant Canada. Ici aussi, la question des personnes migrantes est transformée en un enjeu politique au sein duquel les migrant·es sont déshumanisé·es. Ici aussi, une forte mobilisation populaire sera nécessaire si nous ne voulons pas faire face à une situation semblable dans quelques années.